Voyage

Vladivostok, l'éternelle entre deux

Par EMMA LAVIGNE

Si vous avez pris l’avion, vous aurez voyagé neuf heures depuis la capitale et traversé sept fuseaux horaires. Par voie de chemin de fer, une semaine depuis Moscou. Impossible d’aller plus loin. Vous voilà arrivé(e) au terminus oriental du mythique transsibérien. Vous êtes à Vladivostok, ville portuaire de l'extrême-orient russe baignée par la mer du Japon et capitale du « kraï » (région) du Primorié (« sur la mer »), un territoire presque aussi grand que la France, montagneux et entièrement recouvert d’une forêt dense connue pour abriter le tigre de l’Amour – du nom du fleuve qui sert de frontière entre la Russie et la Chine.

Vladivostok, littéralement traduit par « le maître de l’Orient », a vu sa baie décrite dès 1852 par le navigateur français La Pérouse. Sur ses rives se trouvait alors un petit village de pêcheurs mandchous. C'est en 1859 que fut installé un poste russe, qui ne cessa depuis lors de s'étendre. Ville fermée de l'époque moderne jusqu’en 1991, Vladivostok fut longtemps un port militaire. Pas question pour les étrangers ni même pour les citoyens de l'Union soviétique de s'y rendre sans un laisser-passer. Seulement vingt-deux ans se sont écoulés depuis l’ouverture de la ville, ce qui n'a pas empêché celle-ci d'être désignée pour accueillir en septembre dernier le sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC).

La ville est plus belle de mi-août à mi-octobre

À cheval sur deux climats (sibérien et tropical), Vladivostok peut voir ses températures descendre jusqu'à -30 degrés en hiver. Des vents violents venus de Mongolie ou de la mer gelée d’Okhotsk s’engouffrent alors dans le vaste corridor que fait la ville. Jusqu’en juillet, la pluie venue de l’Asie du sud est est presque toujours au rendez-vous. Aussi la meilleure saison s’étend-elle de mi-août à mi-octobre, lorsque, emportés par un vent chaud, les nuages ont déserté le ciel.

Si vous venez de l’aéroport, vous aurez la possibilité d’emprunter une navette ferroviaire qui relie une gare voisine de la gare historique. Cette navette ne fonctionne cependant pas durant l’après midi, entre 12 et 16 heures, et vous serez forcés de prendre un taxi. Le prix conseillé est de 1 500 roubles (37 euros), mais on vous proposera sûrement des tarifs plus élevés. Vous trouverez aussi une borne de taxi à l’intérieur de l’aéroport avec des prix officiels.

Admettons que votre séjour commence à la gare de Vladivostok, au saut du train, si toutefois vous avez fait preuve de courage et/ou de romantisme. Ladite gare n’est pas très grande ; une stèle installée sur le quai indique le nombre de kilomètres parcourus depuis Moscou. Un peu plus loin, vous apercevrez une ancienne locomotive à charbon. Soigneusement repeint, le hall de gare principal est au goût du jour et, au lieu de travailleurs, ce sont les figures d’une aristocratie révolue et d’un clergé encore influent qui ornent le plafond.

Halte au musée Arseniev

À quelques enjambées de là, vous tomberez sur la place centrale. Elle donne sur la rue Svetlanskaya, une artère importante qui longe la baie. Si la gare est dans votre dos et que vous tournez sur la gauche, vous arriverez au musée Arseniev, du nom du grand explorateur russe de l'extrême-orient. Quelques mètres plus loin se tient le magasin officiel de la flotte. Achetez-y une véritable marinière, c’est le plus authentique des souvenirs que l'on puisse trouver dans les environs. Face à vous se dressent quelques arches. Engouffrez vous sous l’une d’elles, et une autre encore : peut-être tomberez-vous sur le « millionka ». C'est là, dans le plus ancien quartier de Vladivostok, que vivait autrefois la très importante communauté chinoise. Sous l'une de ces arches se trouve également la galerie Arka, qui expose régulièrement les artistes locaux.

Continuez encore, vous verrez une rue descendante : elle mène à une petite croisette où tout Vladivostok aime à se promener sitôt que le soleil pointe son nez. Vous pouvez aussi vous engouffrer dans Svetlanskaya – si vous prenez à droite se dessinera l’arche de Nicolas II. Descendez sur la petite place et vous tomberez en contrebas sur un sous-marin stalinien qui peut être visité. De retour sur Svetlanskaya, rendez-vous au funiculaire via le pont. Là-haut s'offre à vous l'un des plus beaux panoramas de la ville. A peine plus loin, à flanc de colline, un autre ancien quartier a gardé intactes ses petites maisons en bois. Sachez qu'en plein cœur de la ville, on va encore chercher l’eau au puits. Là, les chiens que vous trouverez sur votre route sont certes très agressifs mais tout du moins attachés.

Si, de la gare, vous préférez vous engager vers le sud, vous découvrirez cette péninsule qu’on appelle Egersheld. Le plus simple est de s'y rendre en bus. Il faut alors descendre à son terminus. Il vous faudra encore marcher pendant une vingtaine de minutes, droit devant vous pour arriver au pied du phare. Un autre lieu de villégiature très prisé des Vladivostokois. Attention aux marées et suivez les mouvements de foule qui reviennent sur la terre ferme en temps voulu.

Héritage culinaire coréen

Pour combler un petit creux, vous trouverez un peu partout de petites échoppes roulantes proposant diverses sortes de beignets : les classiques samsa et pirozhki, mais surtout le piansé. Les habitants de la ville s’en enorgueillissent – à tort ou à raison ; il est vrai qu'on ne le trouve que dans cette région extrême orientale, autrefois terre d'accueil d'une importante population coréenne qui introduisit cette spécialité.

Si cela ne vous dit décidément rien, optez pour une bière et des crevettes à déguster sur la croisette évoquée plus haut. Après la petite plage, se trouve un ponton où l’on peut aussi s'approvisionner en crabe et toutes sortes de poissons séchés. Et sinon, shashliki et shaourma pour les amateurs.

Si votre séjour tombe un vendredi, c'est l'occasion d'aller au marché qui se tient ce jour sur la place centrale jusque tard dans l’après midi. Un bon moyen de goûter – mais tout dépend de la saison –  certaines espèces de fruits endémiques, comme le kishmish, kiwi sauvage, que l’on récolte dans la taïga. Bien plus petit que son cousin, davantage connu sous nos latitudes, sa peau est lisse (on avale le fruit tout rond). Enfin, essayez, pourquoi pas le lemonnik, frais ou en jus, cette petite baie très acide réputée pour sa haute teneur en vitamines. Elle peut notamment se substituer au citron à l'heure du thé. Ou encore le zhemolost’, baie noire oblongue, fruit du chèvre-feuille, beaucoup plus douce et charnue que le lemonnik. Toujours influencés par la gastronomie coréenne : les Vladivostokois consomment également de jeunes pousses de fougères, parfois vendues en salade préparée que l'on  appelle paparotniks. Les Coréens ont certes été déportés, mais leur cuisine est restée.

Pont de la Corne d'or

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