Scène

Nino Katamadze, une âme géorgienne

Par BENJAMIN HUTTER

Inutile de parler politique ou vie quotidienne avec Nino Katamadze : la chanteuse géorgienne ne jure que par la poésie. Avec nous elle évoque ses premiers pas sur les planches, la beauté de sa langue natale et son amour de la Géorgie.

Photo Benjamin Hutter

« Venez en Géorgie ». Sur scène, dans le public, entre les morceaux et par ses chansons, Nino Katamadze veut faire passer le message. Et elle y met les moyens : pour sa tournée actuelle elle est accompagnée par deux orchestres en plus de son groupe, soit environ cinquante musiciens sur les planches. C’est puissant, c’est profond, c’est plein d’âme. « Tous ceux qui mettent les pieds dans notre pays se sentent différents. Il y a en Géorgie une profondeur et des couleurs uniques. J’aimerais qu’après m’avoir écoutée, les gens aient envie de venir », livre-t-elle.

Elle ne veut pas dire « pour ses paysages » ni « pour son bon vin ». Quand on lui demande ce que représente pour elle la Géorgie, la chanteuse répond en six mots : ouverture, température, générosité, don de soi, les yeux, les oiseaux.

« Peintre de la couleur géorgienne »

Nino Katamadze raconte son pays en version originale. « Chanter des amours géorgiens ou des souvenirs d’enfance en anglais, sans la phonétique et les couleurs de ma langue, aurait été un non-sens ». Alors elle compose avec ses propres tons et rêve de devenir « peintre de la couleur géorgienne ». Ses albums seront donc White (2006), Black (2006), Blue (2008), Red (2010) et Green (2011).

Pour comprendre cette image il faut la voir à l’œuvre dans le film documentaire qui lui est consacré, Русалка (« La Sirène », disponible sur son site). En quelques minutes elle suggère le chaos à son bassiste, le cosmos à son guitariste et improvise une mélodie. Un nouveau morceau est né sous l’œil de la caméra. Sans vraiment de rythme, sans vraiment de repères. Mais tout de suite : on sent la Géorgie.

De quoi parle Nino Katamadze dans ses textes ? « Une chanson évoque par exemple le silence des poupées de mon enfance », nous explique-t-elle. « Quand le vers s’arrête, le silence s’installe. C’est ça que je chante ». Ou encore, « quand une fois, dans la rue, le vent m’a ramené l’odeur de ses cheveux »…

« Je ne me rappelle pas de ma vie sans musique »

Quand on la voit, sur scène, diriger ses deux orchestres à la fois pendant de longues phases d’improvisation, on se demande par où elle a commencé. « Je ne sais plus. Je ne me rappelle pas de ma vie sans musique. D’un instrument que j’ai découvert en premier. Un peu de cette lumière la première fois que je suis montée sur scène, à cinq ans. J’ai toujours chanté, partout, tout le temps. Si j’arrêtais aujourd’hui je ne saurais rien faire d’autre », résume-t-elle. « C’est là que je veux vivre, dans la musique, le seul endroit où je me sens complètement libre ».

Autre mystère : elle est souvent sollicitée par des artistes étrangers – comme Bobby McFerrin pour un opéra improvisé en 2010 – mais en dehors de la Géorgie et de la Russie, Nino Katamadze reste une artiste confidentielle. « Je ne tourne pas de clips, ne donne pas d’interviews à outrance à chaque sortie d’album. Avec mon groupe, nous jouons surtout là où l’on nous connaît – nous n’avons simplement pas le temps de nous occuper de promotion », conclut-elle. Lors de son passage à Moscou au début du printemps, la salle du Crocus City Hall était bondée.

Pour en savoir plus : http://www.nino-katamadze.com/

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